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Leukerbad 1951 / 2014,
EAN13
9782889071807
Éditeur
Zoé
Date de publication
Collection
Ecrits d'ailleurs
Langue
français
Fiches UNIMARC
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Leukerbad 1951 / 2014

"Un étranger au village" de James Baldwin suivi de "Corps noir" de Teju Cole

Zoé

Ecrits d'ailleurs

Indisponible

Autre version disponible

Été 1951 : James Baldwin passe deux semaines dans le village de montagne de
Leukerbad (Haut Valais), dans le chalet de famille de son amoureux. Il y vit
l’expérience d’être le premier Noir à venir dans ce village exclusivement
blanc : « Tout le monde au village connaît mon nom, bien qu’ils l’utilisent
rarement, tout le monde sait que je viens d’Amérique – bien que ça,
apparemment ils n’y croiront jamais tout à fait : les hommes noirs viennent
d’Afrique – et tout le monde sait que je suis l’ami du fils d’une femme qui
est née ici, et que je loge dans leur chalet. Mais je demeure le même total
étranger que le jour de mon arrivée, et les enfants crient « Neger ! Neger ! »
quand je marche dans les rues. […] Ils débordent de bonne humeur et les plus
hardis sont tout gonflés de fierté quand je m’arrête pour leur parler.
Pourtant, il y a des jours où je ne peux pas m’arrêter pour sourire, où je
n’ai pas le cœur de jouer avec eux ; des jours où, à la vérité, je murmure
aigrement pour moi-même, exactement comme je murmurais dans les rues d’une
ville que ces enfants n’ont jamais vue, quand je n’étais pas plus grand qu’eux
maintenant : « Ta mère était une négresse. » » Été 2014 : Teju Cole, en
résidence littéraire à Zurich, est à Leukerbad, sur les traces de James
Baldwin. Il n’est plus dévisagé dans la rue, les enfants n’essaient plus de
toucher ses cheveux ; mais l’été 2014, ce sont les émeutes de Ferguson, qui
ont éclaté après l’assassinat d’un Noir de 18 ans par un policier blanc. Dans
Corps noir, Cole entame un dialogue avec Baldwin. Soixante ans les séparent,
mais ils sont réunis par le lieu, et surtout par l’expérience du racisme.
Ainsi, dans la baignoire de son somptueux hôtel avec vue sur le Dauberhorn, un
blues de Bessie Smith aux oreilles et Chroniques d'un enfant du pays de
Baldwin à la main, Cole vit « un instant de dédoublement » : « J'étais à
Leukerbad, et cette voix de femme franchissait les années me séparant de 1929
; et je suis noir comme cet homme ; et je suis mince comme lui ; et j'ai aussi
la dent du bonheur ; et je ne suis pas spécialement grand (allez, disons-le :
je suis petit) ; et je suis impassible à l'écrit et exalté dans la vie, sauf
quand c'est l'inverse ; adolescent, je fus un prosélyte fervent (Baldwin : «
Rien ne m'est arrivé depuis qui égale la puissance et la gloire que
j'éprouvais parfois quand, au milieu d'un sermon, je sentais que, par quelque
miracle, je transmettais, comme on disait, “le Verbe” – quand je ne faisais
plus qu'un avec l'Église »), jusqu'à ce que, moi aussi, je m'éloigne de
l'Église ; et je considère New York comme mon chez-moi même quand je n'y vis
pas ; et je me sens en tous lieux, de New York à la Suisse profonde, le
dépositaire d'un corps noir, et je dois trouver le langage adapté à tout ce
que cela signifie pour moi et pour les gens qui me regardent. L'espace d'un
instant, l'ancêtre avait pris possession de son descendant. Ce fut un moment
d'identification absolue. » Comme Baldwin, Teju Cole est cultivé, cosmopolite,
ouvert sur le monde, et pourtant il expérimente au quotidien ce que son
prédécesseur a si finement décrit dans son essai Un étranger au village : «
Être noir, c'est subir tout le poids d'un maintien de l'ordre sélectif, c'est
habiter une précarité mentale sans aucune garantie de sécurité. On est d'abord
un corps noir, avant d'être un ado qui marche dans la rue, ou un professeur de
Harvard qui a perdu ses clefs. » Cole souligne également l’importance et la
symbolique du lieu, véritable pivot dans la réflexion de Baldwin, qui lui
permet de prendre le recul nécessaire pour considérer la situation américaine
: « Leukerbad a fourni à Baldwin le moyen d'analyser le suprémacisme blanc à
partir de ses principes premiers, comme s'il l'y observait sous sa forme la
plus élémentaire. […] « Si Leukerbad fut sa chaire, l'Amérique était sa
paroisse. Ce village lointain lui offrit une vision plus nette de la situation
dans son pays. À Leukerbad il était un étranger, mais, écrivait-il, il était
impossible pour les Noirs d'être étrangers aux États-Unis, et pour les Blancs
de concrétiser le fantasme d'une Amérique exclusivement blanche et purgée de
ses Noirs. » James Baldwin James Baldwin est né en 1924 dans le quartier de
Harlem à New York. Après avoir exercé divers petits métiers, il s’installe à
Paris en 1948 pour plusieurs années. Au début des années 1950, Baldwin
séjourne à trois reprises dans le village de Leukerbad (également appelé en
français Loèche-les-Bains), dans le chalet familial de son amoureux d’alors.
Il y donne notamment sa forme définitive à son œuvre la plus connue : son
premier roman d’inspiration autobiographique Go Tell It on the Mountain (en
français : La Conversion). En 1957, il regagne les États-Unis, où il se révèle
comme le porte-parole du mouvement intégrationniste. Ses romans, nouvelles,
poèmes, pièces de théâtre et essais (notamment son texte prophétique La
prochaine fois, le feu (The Fire Next Time) en 1963) ont fait de lui l’un des
plus grands écrivains américains de sa génération. James Baldwin a passé la
majeure partie de sa vie en France. Il est mort à Saint-Paul-de-Vence le 30
novembre 1987. Sa traductrice : Marie Darrieussecq Marie Darrieussecq est
écrivain et traductrice. Après son premier roman, Truismses (1996),
mondialement salué, elle publie Il faut beaucoup aimer les hommes, lauréat du
prix Médicis en 2013. Elle a notamment traduit en français Virginia Woolf,
James Joyce et James Baldwin. Teju Cole Écrivain, historien de l’art et
photographe, Teju Cole est né en 1975 aux États-Unis et a grandi au Nigeria,
d’où ses parents sont originaires. Il vit aujourd’hui à Brooklyn. Il officie
en tant que critique de photographie pour le New York Times Magazine, a
notamment écrit pour le New York Times, the New Yorker, Granta et Brick. Il
est aujourd’hui considéré comme un des grands écrivains et essayistes
américains. Parmi ses livres disponibles en français, Chaque jour appartient
au voleur (Zoé, 2018), Livre de l’année 2014 par le New York Times, le Globe
and Mail, la National Public Radio et le Telegraph, et Open City (Denoël,
2012, 10/18, 2014), qui a notamment remporté le PEN/Hemingway Award et le New
York City Book Award for Fiction. Son traducteur : Serge Chauvin Professeur à
l'université de Nanterre, ancien critique aux Inrockuptibles et à la NRF,
Serge Chauvin est spécialiste de littérature et de cinéma américains. Il est
notamment le traducteur de Jonathan Coe, Colson Whitehead, Zadie Smith et
Richard Powers.
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