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L. A. Confidential

James Ellroy

Rivages

  • Conseillé par
    12 mars 2011

    L.A. Confidential

    Nuit de Noël 1951 ou « Noël Sanglant » dans les annales. Des policiers s'en sont violemment pris à des prisonniers en cellule, abusant de leur autorité et de leur force pour venger des collègues. Un agent tatillon, Ed Exley, héros de la guerre, témoigne en défaveur de ses collègues en échange d'une promotion qui sert son ambition démesurée : cadet d'une famille de policiers méritants, il veut briller aux yeux de son père et éclipser le souvenir brillant de son frère mort en service. Désormais haï de tous ses collègues, il entame une carrière fulgurante qui le mène aux plus hauts postes de la police. Dudley Smith est de plus en plus présent au L.A.P.D. et il entretient une attitude ambiguë vis-à-vis des agents qui ont le malheur de trouver grâce à ses yeux : « Lorsque Dudley Smith vous emmenait à ses basques, on lui appartenait [...] : on n'était jamais sûr de ce qu'il voulait de vous, ou de la manière dont il se servait de vous. » (p. 197) C'est ainsi qu'il s'attache les services de Bud White, un policier connu pour ses pulsions de violence et sa haine des hommes qui maltraitent les femmes. Il s'attache à Lynn Brackens, prostituée de luxe.

    Bud White est un homme d'honneur, loyal jusqu'au pire à son coéquipier, Stensland, un flic alcoolique en fin de carrière. Enfin, il y a Jack Vincennes dit Poubelle : conseiller technique pour la série L'Insigne du courage, policier aux Stups, il renseigne régulièrement un magazine à scandales sur les vices et crimes des stars. Agent qui aime faire la couverture, il dissimule pourtant avec hargne un secret qui pourrait mettre en péril sa carrière. La course au poste de procureur est ouverte et Ellis Loew se présente pour la seconde fois avec de grandes chances de remporter la place. Survient le massacre du Hibou de Nuit et le viol multiple d'Inez Soto. Se profile une sordide affaire de mœurs fondée sur un réseau de prostitution aux pratiques singulières. On passe de 1953 à 1957 en quelques pages. Les trois flics sont confrontés à des affaires qui impliquent leur force morale et leur capacité à survivre au sein d'un système judiciaire qui écrase les purs pour sauver les pourris. L'honneur et la loyauté sont au centre de l'intrigue : il faut savoir pourquoi et pour qui on devient flic et à qui on choisit de prêter allégeance.

    Ce troisième volet est mené à la troisième personne. Comme dans le volet précédent, on passe d'un flic à l'autre au gré d'un rythme dilatoire parfaitement maîtrisé. La mise en place de l'intrigue est longue. La première partie du roman pose les fondements de plusieurs affaires qui finiront par n'en former qu'une, tentaculaire et sordide, comme dans les deux premiers volets. Le prologue étonne : il est l'épilogue du Grand Nulle Part et on assiste à la fin prévisible de Buzz Meeks. Ce rejet de la conclusion en début du nouveau volet empêche l'intensité dramatique de s'essouffler. Et Buzz Meeks a encore remporté toute mon affection.

    J'ai eu un grand coup de cœur pour l'agencement de ce troisième volet. On passe du récit des enquêtes à des chapitres composés uniquement de rapports de police ou coupures de presse. Version officielle et version journalistique s'affrontent pour donner un mélange audacieux et complexe. C'est au lecteur de tirer le vrai du faux. Comme le dit le titre, ce qui se passe à Los Angeles est confidentiel et ce ne sont pas les révélations prétendument fracassantes des journaux à scandale qui renversent réellement la vapeur. Dans la cité des Anges, le doigt reste posé sur la bouche, sur la marque de l'ange.

    Le film éponyme de Curtis Hanson et avec Kevin Spacey, Russel Crow, Kim Basinger et Dany DeVito est une grande réussite. Comme adaptation d'un roman d'Ellroy, je l'ai préféré – et de loin – au Dahlia Noir de Brian de Palma. Si ce dernier est d'un noir glacé, comme une couverture de magazine, le film de Curtis Hanson est gouailleur, sale et compromettant. Dany DeVito excelle dans le rôle de Sid Hudgens, le journaliste de L'Indiscret. Kim Basinger est sublime en pute de luxe un peu paumée. Et que dire de l'interprétation de Russell Crowe, qui endosse avec humilité et éclat le rôle de Bud White ! L'acteur fait ressortir toute la bonté et l'ambivalence du personnage dans une composition très touchante. Certes, Curtis Hanson prend de nombreux raccourcis, élimine des personnages et va plus directement au cœur des choses. Mais il rend à merveille la voix des journaux en la personne de Sid Hudgens. Dans son film, Dudley Smith est un vrai pourri qui obtient enfin ce qu'il mérite. Et Buzz Meeks et Stensland connaissent des trajectoires différentes de celles du roman. Mais l'essentiel est là, la verve de James Ellroy s'illustre avec puissance, ses personnages sont droits dans leurs bottes, prêts à essuyer le pire.