Photo poche
C’est une chance unique que puisse exister une collection de livres de poche consacrée à la photographie. Après quarante-deux ans d’existence, le catalogue Photo Poche d’Actes Sud continue de s’enrichir, en faisant connaître les plus grands noms de cet art récent dans l’histoire. La qualité d’impression proposée, les choix iconographiques et les informations rassemblées, avec des prix maintenus accessibles au plus grand nombre : le travail éditorial relève du défi . Nous avons demandé à quelques libraires Initiales de nous parler de leur rapport à la collection, en sélectionnant et commentant un de leurs titres préférés.
Lorsque j’étais étudiant dans les années 1990, je consacrais une partie de mon mémoire à l’œuvre du photographe italien Mario Giacomelli, célèbre pour avoir saisi d’une manière très contrastée ces prêtres au séminaire qui jouent avec la neige
tombée miraculeusement dans le Sud. Trouver un livre sur ce photographe était quasi impossible à cette époque. La collection Photo Poche, éditée alors par le CNP (Centre national de la photographie), lui avait consacré son onzième numéro, malheureusement épuisé quand je le recherchais. J’avais écrit une lettre au CNP qui m’en avait envoyé un exemplaire légèrement abîmé sur la couverture. Un cadeau lui aussi tombé du ciel.
En 1982, dans le contexte de l’instauration du prix unique du livre et d’une politique culturelle de valorisation des formes d’expression artistique populaires, Robert Delpire, l’éditeur emblématique de la photographie en France, concrétise une
intention généreuse et sublime : rendre accessible à un large public le livre de photos. La maquette est sobre mais chic, un noir pelliculé avec une image en couverture. 12,5 cm de large sur 19 cm de haut. Cent quarante-quatre pages, dont soixante-quatre photographies avec un commentaire d’un spécialiste de l’œuvre en question. Le premier numéro est consacré à Nadar. Le second à Cartier-Bresson. D’abord maternée par le CNP puis Nathan, la collection sera éditée, à partir de 2004, par Actes
Sud, fameuse maison installée en Arles où se tiennent chaque année les Rencontres de la photographie. En 2019, Géraldine Lay succède à Benoît Rivero en tant que directrice de la collection. Pour fêter les quarante ans de la maison, elle propose
de donner un coup de jeune à la maquette, plus graphique, aérée. Le blanc a chassé le noir sur la couverture. La porte s’ouvre en grand pour accueillir de nouveaux noms, dont beaucoup de photographes contemporains. Si elle ne renie pas ses origines avec l’importance de la photo reportage – avec Depardon, le récent Gianni Berengo Gardin, Robert Capa –, Photo Poche a su mettre en avant sur nos tables de librairie des ouvrages consacrés à la photographie plasticienne, à des œuvres souvent reconnues d’un public d’initiés mais qui, à l’occasion d’une parution dans la collection, vont ainsi toucher des jeunes gens, les visiteurs d’une exposition – je pense au succès de Dolorès Marat lors des dernières Rencontres d’Arles, mais aussi Saul
Leiter, Sophie Calle, l’Africain Samuel Fosso, Sarah Moon, Paolo Roversi et tant d’autres. Avec plus de cent soixante-quinze titres, ce n’est plus un choix, mais de l’opulence ! Chères lectrices, chers lecteurs, il n’y a plus qu’à choisir !
Philippe Fusaro, L’Oiseau siffeur (Valence)
