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Une sortie honorable

Éric Vuillard

Actes Sud

  • Conseillé par
    5 mai 2022

    guerre d'Indochine

    De l’auteur, j’avais abandonné 14 Juillet, et adoré L’ordre du jour.

    Celui-ci fait partie de la seconde catégorie.

    J’ai aimé que chaque chapitre soit différent et apporte un éclairage sur la situation en Indochine avant le conflit, pendant et après.

    Pas de grandes descriptions, mais des mise en lumière de certains détails qui éclairent tout le tableau, comme ces ouvriers maltraités dans les Grandes Plantations avant la guerre.

    Un livre qui montre que cette guerre était inutile (mais quelle guerre l’est ?) et explique pourquoi.

    Quelques citations éclairantes :

    Et les 51 morts du 6e bataillon de parachutistes coloniaux furent-ils bien sacrifiés pour la France ou pour M. Pierre-Charles Bastid, membre du conseil d’administration des Charbonnages, directeur général des Etains et wolfram du Tonkin, directeur général des Etains de Pia-Ouac, ingénieur conseil, pour la Banque d’Indochine, administrateur des Etablissements Eiffel…

    on nomma de Lattre de Tassigny haut-commissaire et commandant en chef en Indochine. Il arrive à Saigon début décembre, développe au pas de charge l’armée nationale vietnamienne et remporte avec elle d’éphémères victoires à coup de concentrations inédites de troupes et de bombardements au napalm dont il sera l’un des premiers à faire un usage massif.

    et les combats avaient lieu, malgré tout, pour une colonie déjà vidée de sa substance.


  • Conseillé par (Libraire)
    29 janvier 2022

    Un texte éclairant et brillant !

    Un vent d’indépendance balaie l’Indochine. Eric Vuillard raconte par fragments les étapes qui ont jalonné ce chapitre dramatique de notre Histoire. Des salons parisiens du boulevard Haussmann aux plantations d’hévéa Michelin, des ors pâles de la IVe République à la cuvette de Diên Biên Phù, Il dissèque de son style incisif, tranchant, impitoyable, la médiocrité des gouvernants, l’inconsistance des puissants et toute l’incompétence des militaires qui, mêlées, ont coûté la vie à des centaines de milliers de personnes. « Ainsi dérivent les hommes vers de gigantesques désastres. »


  • Conseillé par (Libraire)
    11 janvier 2022

    L'histoire revisitée

    On pourrait dire d’Eric Vuillard qu’il soulève le tapis pour découvrir sous l’apparence des choses, une autre réalité. Mais de manière plus noble on peut aussi écrire qu’il agit comme un archéologue, extrayant, à l’aide de sa plume légère, des vestiges enfouis sous d’autres vestiges, pour éclairer différemment des évènements majeurs de l’Histoire. Avec 14 Juillet, on avait découvert des personnages dits « secondaires » de la Prise de la Bastille. L’Ordre du Jour montrait l’envers de « L’Anschluss » et de l’invasion de l’Autriche. Enfin La Guerre des Pauvres dévoilait le rôle d’un prédicateur méconnu du XVI ème siècle agitateur et animateur d’une révolte sociale. Le trait commun à ces dépoussiérages, à ces exhumations, est sans aucun doute une forme sourde de colère, d’indignation contre l’injustice, l’écrasement des faibles par les puissants, ces puissants qui ont réécrit l’histoire à leur manière et en leur faveur.

    Avec Une sortie honorable l’auteur évoque cette fois-ci la guerre d’Indochine, l’une des plus longues des guerres modernes, et la politique française des années cinquante. Il n’écrit pas un nouveau livre d’histoire sur les échecs français jusqu’à la célèbre bataille de Diên Biên Phu mais comme à son habitude nous raconte ce désastre en nous faisant entrer dans les coulisses: celles du Parlement qui sait très rapidement que « la guerre est pour ainsi perdue mais qu’il faut trouver « une sortie honorable » capable d’être acceptée par l’opinion publique et surtout les électeurs.

    Eric Vuillard utilise les portraits saisissants de personnages pour nous faire pénétrer ces arcanes de l’histoire. Et sa plume nous donne envie de rire, de pleurer, de crier devant tant de bêtises, de compromissions. Du général Navarre, qui va installer le camp de Diên Biên Phu, dont l’auteur écrit qu’il ignore tout de lui, mais dont il trace un portrait unique, à Herriot, multiple président du Conseil, saisi dans ses habitudes gastronomiques quotidiennes entre deux discours à l’assemblée, ou encore Maurice Violette « le caïd de l’Eure-et-Loir », député réélu à vie, on découvre les ficelles qui agitent ses marionnettes mus par l’intérêt supérieur de la nation, bien entendu, mais aussi et surtout par la satisfaction d’egos surdimensionnés.

    S’il traite d’Histoire Eric Vuillard est avant tout un romancier car son écriture fait mouche et il transforme les images et les sons publics en vaste comédie humaine. Digne des Caractères de La Bruyère, il démontre comment derrière le récit national des manuels d’Histoire, les évènements sont aussi le fruit d’actions, de personnalités de petits personnages, en proie à leurs désirs premiers, à leur naissance, à leurs fortunes. Marie Ferdinand de La Croix de Castries, le pauvre pour qui, comme pour beaucoup, « un bel héritage est pris pour un destin », le général de Lattre de Tassigny, transpirant devant les caméras d’une chaine américaine sont ainsi simplement ravalés à de simples descendants de « dizaines de milliers de chasseurs cueilleurs ». Les mots de Eric Vuillard renvoient comme un boomerang à leurs auteurs la condescendance qu’ils prêtent aux anonymes. Caustique, cynique, le propos frôle parfois l’antiparlementarisme et il faut un magnifique portrait de Pierre Mendès France, qui ose à la tribune de l’assemblée demander la recherche d’un « accord politique, un accord, avec ceux qui nous combattent », pour que le lecteur, l’électeur pense « que l‘expression « élu du peuple », veuille « parfois dire quelque chose ».

    Nous savons que ces faits, ces personnages ne sont qu’un volet de notre histoire. Les autres sont dans nos manuel scolaires et on sait de quel côté penche le coeur d’Eric Vuillard, qui préfère rendre hommage aux quatre cents hommes de troupe qui défendirent au nom de la Patrie 78 760 actions du domaine houiller de Mao Khê qu’au patriotisme de nos généraux, mais sa liberté d’écrivain nous enchante et sa prose, qui n’utilise pas les mots du militantisme, mais ceux de la littérature n’en est que plus efficace, dérangeante. Et nécessaire.